Josse : « Le record est améliorable »

Samedi 4 mai, près de 500 bateaux prendront le départ de la 6ème édition du Tour de Belle-Ile. Double tenant du titre, Sébastien Josse est de retour pour la troisième fois consécutive sur le Tour de Belle-Ile à la barre de Gitana 11, trimaran de 77 pieds qui détient le record de l’épreuve en 2h42 (établi en 2011). Le skipper, qui barrera également cette année son MOD70 Groupe Edmond de Rothschild avec en ligne de mire la Route des Princes puis la Transat Jacques-Vabre, est bien décidé à faire le triplé malgré la concurrence de Prince de Bretagne, de Spindrift racing et du Maxi-Trimaran Sodebo skippé par Thomas Coville qui vient tout juste de s’inscrire. Le coup d’envoi sera donné samedi à 10h00 en baie de Quiberon par Claire Nouvian, fondatrice et directrice de l’association Bloom.

Avant d’évoquer cette saison qui débute, pouvez-vous faire le bilan de la précédente, votre première sur le MOD70 Groupe Edmond de Rothschild ?

La première chose, c’est que le multicoque, ça va vite (Rires) ! Sinon, nous avons eu des hauts et des bas, des moments où nous avons bien navigué, comme sur la Krys Ocean Race (transat entre New York et Brest, terminée à la deuxième place, à 1h11 du vainqueur, Spindrift racing, ndlr), des moments où nous avons moins bien navigué, comme sur le tour de l’Europe. Pourquoi ? Je pense que c’est surtout lié à un manque d’expérience, nous avions plutôt un équipage de jeunes loups, nous n’avions pas à bord pas des pros du multicoque comme peuvent l’être un Pascal Bidégorry ou un Jean-Baptiste Levaillant (qui naviguaient sur Spindrift, ndlr).

A quoi avez-vous occupé votre hiver, à suivre le Vendée Globe ?

Pas seulement ! Nous avons mis le bateau en chantier pour le préparer en vue de cette saison. En MOD70, comme c’est de la monotypie, les évolutions sont bloquées, mais il y a tout l’entretien à faire, car la mécanique est très sollicitée, on tire dessus comme ce n’est pas permis, il faut du coup changer les winches, des poulies ou des drisses, vérifier les vérins… ça prend pas mal de temps.

Pour revenir au Vendée Globe, qu’avez-vous pensé de la victoire de François Gabart ?

C’est une belle victoire. François, je le connaissais un peu avant, c’est quelqu’un qui a beaucoup de motivation, il n’est pas arrivé là par hasard. Il avait un objectif qui était de faire le Vendée Globe, il a eu une vraie démarche pour y arriver, d’abord en faisant de l’Imoca en amont, notamment sur la Jacques-Vabre 2009 avec Kito de Pavant, il s’est ensuite entouré des bonnes personnes. Et surtout, il avait déjà prouvé en Figaro qu’il était bon, c’est une victoire méritée qui mûrit depuis plusieurs années.

Vous n’avez donc pas été surpris ? Même par sa manière de mener son bateau dans un Grand Sud qu’il découvrait ?

Non, je n’ai pas été vraiment surpris. Quand on le voit partir dernier et qu’au cap Finisterre, il est en tête, on a tout compris. Et le Sud a été certainement différent des précédents Vendée Globe du fait des portes des glaces. François avait en plus un objectif à côté de lui qui était Armel Le Cléac’h, du coup, si Armel allait à 21 nœuds, il allait lui aussi à 21 nœuds, il n’est pas du genre à se laisser impressionner.

Suivre ce Vendée Globe vous a-t-il donné envie de le refaire ?

Oui, j’aurais bien voulu être au départ de celui-là. Mais plein d’ingrédients font que tu peux y être ou pas, il faut un partenaire qui a envie d’y aller, un bon rétro-planning… J’ai assez vite vu que ce ne serait pas possible, mais j’espère bien le refaire un jour, le Vendée Globe est un livre qui n’est pas fermé pour moi.

Reste que vous avez de quoi faire au sein du Gitana Team avec deux trimarans à barrer, peut-on dire que vous êtes un marin comblé ?

Comblé, c’est le mot, tout à fait. Je suis bien conscient de la chance que j’ai aujourd’hui et je remercie encore Gitana. Le Vendée Globe, si je ne le fais pas, ce n’est pas grave, parce que je suis en effet le skipper de deux bateaux, avec tous les moyens de bien faire, c’est une chance unique, d’autant que je n’étais pas forcément référencé auparavant comme skipper de multicoque.

Votre équipage a un peu évolué cette saison par rapport à la précédente, avec les arrivées de Sébastien Col et Charles Caudrelier, pourquoi eux ?

Disons que l’hiver, c’est un peu le mercato ! Il y en a qui viennent, d’autres qui partent. Je serais bien reparti sur la même base, parce que c’est en travaillant beaucoup avec les mêmes personnes qu’on peut combler le retard, mais certains sont partis, il fallait les remplacer. Et tant qu’à les remplacer, autant aller vers des personnes avec des compétences assez spécifiques, comme Sébastien Col, qui sera notre tacticien pour les parcours in-shore, et Charles, auquel je pensais depuis un paquet de temps, mais il avait jusqu’ici d’autres chats à fouetter, notamment la Volvo Ocean Race. Là, l’occasion s’est présentée et tant mieux, parce que je pense qu’il peut faire progresser l’équipage. Au total, ça fait deux nouveaux sur six, ça change pas mal de choses, donc il y a des automatismes à retrouver.

Vous aurez l’occasion de le faire sur ce Tour de Belle-Ile, pourquoi avez-vous choisi d’y participer cette année sur Gitana 11 ?

J’ai choisi le 11 pour le Tour de Belle-Ile, parce que c’est encore un très beau bateau qu’il faut faire naviguer, il détient en plus le record de l’épreuve, il est chez lui en baie de Quiberon, et pour moi, c’est le bateau qui peut battre le record. En outre, il y a aussi Prince de Bretagne qui est là, ça va être une confrontation intéressante. Je suis curieux de voir ce qu’a fait Lionel par rapport à Gitana 11. Prince de Bretagne est un poil plus grand (80 pieds contre 77, ndlr), il a des trucs que nous n’avons pas, mais il n’a pas non plus de mât basculant comme nous, donc ça sera intéressant de le voir sur le Tour de Belle-Ile, on ne peut pas savoir lequel est le plus rapide tant que nous n’avons pas encore navigué bord à bord.

Le Tour de Belle-Ile, c’est un peu votre course fétiche de début de saison avec deux participations et deux victoires en 2011 et 2012 ?

Oui, c’est une course sympa, un joli côtier, ça bouge bien quand il y a des conditions un peu musclées au sud de Belle-Ile, ça peut être estival comme assez soutenu. En 2011, le Tour de Belle-Ile était ma première course officielle pour le Gitana Team et ma première course en multicoque en tant que skipper. Les conditions avaient été toniques avec plus de 25 nœuds et des grains qui rendaient le plan d’eau très instable.  Avec cette météo, le départ était encore plus impressionnant, lancé à 20-25 nœuds au milieu de 500 bateaux. Cette course constituait réellement ma prise en main du bateau et je manquais de pratique en multicoque. Et en 2012, on a pu constater que sur cette course, le résultat pouvait se jouer partout, puisque nous ne prenons l’avantage sur Michel Desjoyeaux que sur la toute fin du parcours, dans la Teignouse sur le retour.

Vous détenez le record en 2h42 depuis 2011, pouvez-vous faire mieux ?

Oui, je pense qu’à météo égale, le record est améliorable d’au moins une trentaine de minutes. C’est encore un peu tôt pour se prononcer, mais pour l’instant, les fichiers nous indiquent des belles conditions pour samedi, il va falloir observer les évolutions dans les prochains jours. Quoiqu’ il arrive, avec les bateaux annoncés pour cette sixième édition, le spectacle sera au rendez-vous.